BEL : Annales des sujets de lettres
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2023
axes d'étude : l'écriture de soi, l'oeuvre et l'auteur, l'oeuvre et le lecteuroeuvres : Saint-Simon, Instrigue du mariage de Monsieur le Duc de Berry, Madame de Sévigné, Lettres de l'année 1671, Musset, Confession d'un enfant du siècle, Annie Ernaux, Les Années Sujet initial : « Les livres sont l’œuvre de la solitude et les enfants du silence. Les enfants du silence ne doivent rien avoir de commun avec les enfants de la parole, les pensées nées du désir de dire quelque chose, d’un blâme, d’une opinion, c’est-à-dire d’une idée obscure.La matière de nos livres, la substance de nos phrases doit être immatérielle, non pas prise telle quelle dans la réalité, mais nos phrases elles-mêmes et les épisodes aussi doivent être faits de la substance transparente de nos minutes les meilleures, où nous sommes hors de la réalité et du présent. C’est de ces gouttes de lumière cimentées que sont faits le style et la fable d’un livre. » (Proust, Contre Sainte-Beuve, « Conclusion », Paris, Gallimard, Folio essais, 1987, p. 303)
Sujet de remplacement suite à la perte de copies : « Ainsi y a-t-il au principe de l’écriture de soi ce qu’il faut bien appeler un paradoxe énonciatif : écriture à vocation autoréflexive, cette parole ne saurait en effet s’accomplir sans en passer par un autre, un destinataire qui l’entende et la reçoive, voire a contrario la déçoive. Que la présence de ce destinataire soit explicitement intégrée à la structure du texte (lettres, dialogues) ou plus évanescente à l’horizon, et même dans les cas extrêmes où elle s’estompe jusqu’à sembler disparaître, il n’est sans doute aucune écriture de soi qui se soutienne hors de la référence à cet autre même si sa place reste vide. »(Shojiro Kuwase et Jean-Christophe Sampieri, « Introduction », dans Shojiro Kuwase, Makoto Masuda et Jean-Christophe Sampieri (dir.), Les Destinataires du moi: altérités de l’autobiographie, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2012, p. 7-8)
2022
Sujet : La prose, en ce qu'elle est un régime a priori familier du langage, et à ce titre presque inaperçu (le génie de Molière est d'avoir fait une révélation comique du fait que nous en faisons tous sans le savoir), en ce qu'elle est chose commune, est d'autant plus puissante lorsqu'elle se distingue de manière absolument décisive en rythme et singularité stylistique : elle est alors la forme la plus apte à devenir l'appropriation intime du proche, du peu visible, à donner éclat à ce qui demeure habituellement dans l’indistinct. »
(Jacques Neefs, « Flaubert, Baudelaire : la prose narrative comme art moderne », dans Jean-Nicolas Illouz et Jacques Neefs (dir.), Crise de prose, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2002, p. 144)
2021
Sujet : Il y a lyrisme dès qu’il y a circulation. Rien de plus lyrique que le sang. D’où, peut-être, y a-t-il un lyrisme par homme. Un battement de cœur particulier qui sonne l’heure d’un discours ininterrompu, puisque discontinu. » (Georges Perros, Papiers collés III, Gallimard, « Le chemin », 1978, p.18).
2020
Sujet : « Si le récit bref se caractérise par un univers diégétique stable, borné par une forme complexe de subjectivité, il inclut aussi l’expression d’une absence qui grève son apparente complétude et qui se traduit fréquemment par une impression de frustration chez le lecteur. Chaque auteur crée en effet une tension entre, d’une part, une écriture ‘pleine’, approfondissant le champ défini initialement et, d’autre part, un vide qui s’ouvre dans les attitudes des personnages, dans la parole narrante et dans l’écriture, nourrie de suspensions.» (Catherine Grall, Le Sens de la brièveté, Paris, Honoré Champion, 2003, p. 243.)
2019
Sujet : « De tous les arts, pourrait-on proposer, le roman est celui où s’exprime au plus haut point la conscience de ce qui n’est plus. [...] Si le roman semble avoir les yeux tournés vers l’avenir, si ses héros peuvent s’élancer librement vers une existence qui leur est encore inconnue [...], c’est parce qu’il les a d’abord tournés vers le passé et que ce regard lui permet de prendre la mesure de ce qui a disparu. Le roman garde la mémoire de ce qui a cessé d’agir et de faire loi, de ce qui a cessé d’être vrai ou juste et dont la disparition ou, si l’on préfère, la perte, est ce avec quoi il nous faut vivre désormais, ce qui constitue la donnée même de notre existence. » (Isabelle Daunais, Les Grandes Disparitions. Essai sur la mémoire du roman, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 2008, p. 12).
2018
Sujet : Selon Robert Legros, le romantisme conteste que l’auteur d’une œuvre « ne soit qu’un intermédiaire qui ne fasse pas preuve d’originalité. Tout au contraire : il se montre d’autant plus original, d’autant plus personnel qu’il laisse émerger ce qui lui appartient le moins. D’autant plus original qu’il ne se veut pas lui- même sa propre origine mais laisse parler en lui une origine plus initiale, ou s’exprimer une initiative plus fondamentale que la sienne propre, plus profonde que celle d’une conscience individuelle ou d’une volontésouveraine. » (L’Idée d’Humanité, Paris, Grasset, 1990, p. 64.)
2017
Sujet : SUJET : « La lecture d’un ouvrage littéraire n’est pas seulement, d’un esprit dans un autre esprit, le transvasement d’un complexe organisé d’idées et d’images, ni le travail actif d’un sujet sur une collection de signes qu’il a à réanimer à sa manière de bout en bout, c’est aussi, tout au long d’une visite intégralement réglée, à l’itinéraire de laquelle il n’est nul moyen de changer une virgule, l’accueil au lecteur de quelqu’un : le concepteur et le constructeur, devenu le nu-propriétaire, qui vous fait du début à la fin les honneurs de sondomaine, et de la compagnie duquel il n’est pas question de se libérer. » (Julien Gracq, En lisant en écrivant [1980], Œuvres complètes, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1995, t. II, p. 673).
2016
Sujet : « Un grand roman, c’est toujours, en même temps, l’ébauche désespérée d’un Jugement dernier. Mais le romancier ne peut pas mettre à sa droite les justes et à sa gauche les réprouvés. Il suspend son jugement à l’instant même où celui-ci devrait trancher. S’il rend un jugement, c’est un jugement sans verdict. » (Claude Roy, Défense de la littérature, Gallimard, 1968, p. 121-122.)
2015
Sujet : « Ce que je méconnaissais, c’est qu’à la base de toute introspection il y a goût de se contempler et qu’au fond de toute confession il y a désir d’être absous. Me regarder sans complaisance, c’était encore me regarder, maintenir mes yeux fixés sur moi au lieu de les porter au-delà pour me dépasser vers quelque chose de plus largement humain. Me dévoiler devant les autres mais le faire dans un écrit dont je souhaitais qu’il fût bien rédigé et architecturé, riche d’aperçus et émouvant, c’était tenter de les séduire pour qu’ils me soientindulgents, limiter – de toute façon – le scandale en lui donnant forme esthétique. »
(Michel Leiris, « De la littérature considérée comme une tauromachie », [1946], in L’Âge d’homme, Gallimard, 1973, p. 13-14.)
2014 (année folle !)
Sujet : « Si donc la valeur du théâtre était dans le grossissement des effets, il fallait les grossir davantage encore, les souligner, les accentuer au maximum. Pousser le théâtre au-delà de cette zone intermédiaire qui n’est ni théâtre, ni littérature, c’est le restituer à son cadre propre, à ses limites naturelles. Il fallait non pas cacher les ficelles, mais les rendre plus visibles encore, délibérément évidentes, aller à fond dans le grotesque, la caricature, au-delà de la pâle ironie des spirituelles comédies de salon. [...] Pousser tout au paroxysme, là où sont les sources du tragique. Faire un théâtre de violence : violemment comique, violemment dramatique.» (Eugène Ionesco, « Expérience du théâtre » [1958], Notes et Contre-notes, Gallimard, 1962, p. 12-13.)
2013
Sujet : « Dans le roman se réalise la reconnaissance de son propre langage dans un langage étranger, la reconnaissance, dans la vision du monde d’autrui, de sa propre vision. Dans le roman s’opère une traduction idéologique du langage d’autrui, le dépassement de son “étrangeté”, qui n’est que fortuite, extérieure et apparente. » (Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Gallimard, 1987, p. 182.)
2012
Sujet : « La poésie est essentiellement philosophique, mais [...] elle doit être involontairement philosophique. » (Charles Baudelaire, « Prométhée délivré par L. De Senneville » [1846], dans Écrits sur la littérature, Le Livre de poche, 2005, p. 71)
2011
Sujet : « En tant qu’écrivain, je n’ai rêvé que constructions et j’ai abhorré l’impulsion qui couvre le papier d’une production successive.
Si pressante et riche et heureuse soit-elle, cette foison ne m’intéresse pas. J’y vois une génération “linéaire” qui exclut toute composition. Je sais que la plupart admirent ceci et s’en enivrent. — Mais ces feux qui s’allument de cime en cime et s’éteignent aussi, ne me donnent jamais mon plaisir complet.
Mon désir eût été d’écrire en traitant presque simultanément toutes les parties de l’ouvrage, et les menant presque à la fois à leur état final. Comme on peint sur un mur. Et avec des préparations et ce qu’il faut pour donner des liaisons et des correspondances d’un bout à l’autre. Ne pas oublier la fin quand on fait le commencement — etc. »(Paul Valéry, Cahiers, 1935, repris dans Ego scriptor, Gallimard, « Poésie », 1992)
2010 (l'année de la coquille)
Sujet : À propos de sa mission d’écrivain, Pierre-Simon Ballanche écrit en 1818 dans son Essai sur les institutions sociales : « Je ne prétends m’ériger ni en censeur des gouvernements ni en précepteur des peuples ; ma tâche est, en quelque sorte, celle d’un historien sans affectation (1) et sans haine... » (Essai sur les institutions sociales, chapitre I, Paris, Fayard, 1991, p. 19).
1 : Ballanche disait en fait "sans affection et sans haine")
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