Maupassant : "le cul des femmes est monotone comme l'esprit des hommes."

       
Caillebotte, La partie de bateau (1878)
Marcel reproduit quelques extraits de l'abondante correspondance que les écrivains échangeaient en ce temps-là. La première, très connue, est de Flaubert, les suivantes de Maupassant. Les premières sont amusantes, la dernière (adressée à son ami La Toque) est glaçante...


les bons conseils de Tonton Flaubert : 

A la lettre qui comprend le fameux : "    Le cul des femmes est monotone comme l'esprit des hommes. Je trouve que les événements ne sont pas variés, que les vices sont bien mesquins, et qu'il n'y a pas assez de tournures de phrases." (3 aout 1878), voici ce que répond Flaubert :
       Croisset, 15 août 1878.
       Maintenant parlons de vous.
     Vous vous plaignez du cul des femmes qui est "monotone". Il y a un remède bien simple, c’est de ne pas vous en servir. "Les événements ne sont pas variés. " Cela est une plainte réaliste, et d’ailleurs qu’en savez-vous ? Il s’agit de les regarder de plus près. Avez-vous jamais cru à l’existence des choses ? Est-ce que tout n’est pas une illusion ? Il n’y a de vrai que les "rapports", c’est-à-dire la façon dont nous percevons les objets. "Les vices sont mesquins", mais tout est mesquin ! "Il n’y a pas assez de tournures de phrases !" Cherchez et vous trouverez.
      Enfin, mon cher ami, vous m’avez l’air bien embêté et votre ennui m’afflige, car vous pourriez employer plus agréablement votre temps. Il faut, entendez-vous, jeune homme, il faut travailler plus que ça. J’arrive à vous soupçonner d’être légèrement caleux. Trop de p... ! Trop de canotage ! Trop d’exercice ! Oui, monsieur ! Le civilisé n’a pas tant besoin de locomotion que prétendent messieurs les médecins. Vous êtes né pour faire des vers, faites-en ! "Tout le reste est vain", à commencer par vos plaisirs et votre santé ; f... vous cela dans la boule. D’ailleurs votre santé se trouvera bien de suivre votre vocation. Cette remarque est d’une philosophie, ou plutôt d’une hygiène profonde.

Maupassant par lui-même

 Voici la façon dont il se présente en réponse à la lettre d'une admiratrice (Marie Bashkirtseff) :
     Cannes, 17 Mars 1884
     Je n'ai pas pour une sou de poésie. Je prends tout avec indifférence, et je passe les deux tiers de mon temps à m'ennuyer profondément. J'occupe le troisième tiers à écrire des lignes que je vends le plus cher possible en me désolant d'être obligé de faire ce métier abominable qui m'a valu l'honneur d'être distingué - moralement - par vous."
     Cannes, Le 3 avril 1884
     Je vous remercie également pour le portrait que vous avez fait de moi. Il est ressemblant, ma foi. Je signale cependant quelques erreurs 
    — 1° Moins de ventre 
    — 2° Je ne fume jamais
    — 3° Je ne bois ni bière, ni vin, ni alcools. — Rien que de l’eau —
      Donc la béatitude devant le bock n’est pas ma pose de prédilection. Je suis plus souvent accroupi à l’orientale sur un divan. Vous me demandez quel est mon peintre = parmi les modernes ? Millet !    Mon musicien ? J’ai horreur de la musique !
      Je préfère, en réalité une jolie femme à tous les arts = Je mets un bon dîner, un vrai dîner — le dîner rare presque sur le même rang qu’une jolie femme.

Une pièce volée  

1877 (non datée)
    Mon cher La Toque,
    N'as-tu pas un double de ma pièce de vers érotique Daphnis et Chloé - et, si tu l'as, pourrais-tu m'en envoyer une copie ?
    Le manuscrit m'a été volé cet été. Je sais on je l'avais mis et il a disparu avec tous mes autres écrits obscènes, dont j'avais heureusement des doubles...

Maupassant et la syphilis

     Paris, 2 Mars 1877,
      Mon cher La Tôque
    Tu ne devineras jamais la merveilleuse découverte que mon médecin vient de faire en moi — jamais, non jamais — Comme mes poils tout à fait tombés ne repoussaient pas, que mon père pleurait autour de moi que les lamentations de ma mère venaient d’Étretat jusqu’ici — j’ai pris mon médecin au collet et je lui ai dit : « Bougre tu vas trouver ce que j’ai, ou je te casse — » Il m’a répondu « La Vérole » — j’avoue que je ne m’y attendais pas j’ai été très turlupiné enfin j’ai dit « Quel remède » Il m’a répondu « Mercure et iodure de potassium » — J’allai voir un autre Esculape et lui ayant narré mon cas lui demandais un avis. Il m’a répondu — « Vieille syphilis datant de 6 ou 7 ans qui a dû être communiquée par une plaque muqueuse aujourd’hui disparue » — « Remède » ! — « Iodure de potassium & mercure » Plusieurs symptômes auxquels je n’attachais pas d’importance ont servi à faire cette extraordinaire trouvaille — Bref depuis 5 semaines je prends 4 centigrammes de mercure et trente cinq centigrammes d’iodure de potassium par jour et je m’en trouve fort bien. Je finirai par faire du Mercure ma nourriture ordinaire — Mes cheveux commencent à repartir, mes sourcils s’indiquent par une légère ligne plus foncée au dessus des yeux — Mes poils du cul broussaillent, mon cœur va pas mal et mon estomac mieux. J’ai la vérole ! enfin ! la vraie !! pas la méprisable chaudepisse pas l’ecclésiastique christalline pas les bourgeoises crêtes de coq ou les légumineux choux-fleurs — non non, la grande vérole, celle dont est mort François Ier. La vérole majestueuse et simple ; l’élégante syphilis dont l’étymologie est : Sus — Cochon — et φιλεω j’aime — ce qui veut dire indistinctement : j’aime les cochons, ou : les cochons m’aiment, ou : j’aime à la manière des cochons. J’ai la vérole, sans l’ennuyeuse garniture de chancres, sans les putrides bubons, sans les laideurs extérieures — (Je n’aurai de chancres au nez que plus tard) et j’en suis fier morbleu et je méprise par dessus tout les bourgeois. Alléluia j’ai la vérole, par conséquent je n’ai plus peur de l’attraper, et je baise les putains des rues, les rouleuses des bornes et après les avoir baisées je leur dis « J’ai la vérole » Et elles ont peur et moi je ris, ce qui me prouve que je leur suis bien supérieur.
    Mais... à ce propos... toi qui as couché avec moi cet été —... Surveille-toi mon bon tu pourrais l’avoir.
On trouve l'intégralité de la correspondance de Maupassant sur http://maupassant.free.fr/corresp1.html
     

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